Le contexte historique de la stigmatisation de la migraine

La stigmatisation de la migraine peut avoir de graves conséquences en excluant les malades des environnements d’une vie normale : professionnel, social, familial…

Voici le résumé d’un article scientifique, traduit et proposé par Sabine DEBREMAEKER.

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Crédit : Ohmydearlife – Pixabay

Avant les années 1700, la migraine était considérée comme une maladie comme une autre et n’était pas stigmatisée. Puis, soudainement, pour diverses raisons, les migraineux ont commencé à être considérés comme des hystériques et leurs médecins comme des incapables. Ils étaient ridiculisés dans les écrits et des caricatures étaient publiées.  

Alors pourquoi cette soudaine stigmatisation dans les années 1700 ? Voici les hypothèses de l’auteur. À cette époque, on commence à vouloir trouver une explication rationnelle à tous les faits ; or, aucun examen physique ne permettait de poser un diagnostic. C’est aussi le début de l’industrialisation et les horaires devaient être respectés, car la productivité était mise en avant, ce qui est compliqué avec l’imprévisibilité des crises.

Au départ, la migraine a commencé à être minimisée, car elle passait pour une maladie de femme. Plus tard, la migraine avec aura touchant relativement plus les hommes, elle a été jugée digne d’étude par les médecins hommes, alors que la migraine sans aura restait peu étudiée et stigmatisée. Ce n’est qu’en 2003 que la définition officielle de la migraine chronique a pu enfin faire son entrée dans la Classification Internationale. Auparavant, les patients n’étaient pas crus puisque cette forme de migraine n’était pas reconnue.

La stigmatisation est délétère pour les patients. Elle délégitime leur maladie auprès du grand public et des politiques. On ne leur pardonne pas leurs absences et la nécessité de contrôler leurs déclencheurs, qui ne sont pourtant ni l’origine ni la cause. Ils en viennent à être honteux de leur pathologie et les patients qui souffrent de migraine sévère sont considérés comme des individus faibles. Ce dénigrement touche aussi les spécialistes de la migraine, qui sont méprisés par leurs pairs lorsqu’ils s’engagent dans ce domaine.

Une étude méta-analyse a permis de comparer la stigmatisation de 107 maladies à travers 4,5 millions d’articles sur 40 ans. La migraine arrive 18ème des maladies stigmatisées, devant les maladies psychiatriques et la moitié des maladies sexuellement transmissibles. Parmi les maladies neurologiques, c’est la pathologie la plus stigmatisée.

Cette stigmatisation a un énorme impact sur les moyens d’agir et les budgets alloués. Ainsi, bien que la maladie d’Alzheimer et la migraine présentent un impact similaire selon les experts, le système de santé aux USA a dépensé plus de 60 fois moins pour la prise en charge de la migraine en 2022.

La taille des associations de patients et les moyens dont elles disposent peuvent avoir un énorme impact. Or, les donateurs de plus de 60 ans sont plus enclins à soutenir les patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Par contre, les jeunes femmes avec 3 fois plus de risques qu’un homme d’être migraineux et avec un fort retentissement sur leur scolarité et leur travail n’arrivent pas à faire entendre leurs voix.

Subsiste dans tout cela une lueur d’espoir. En effet, s’il y avait très peu de spécialistes de la migraine, cela évolue lentement et les actions des associations se développent également. La stigmatisation est à présent reconnue et les sociétés savantes en parlent.

Néanmoins, il faudrait un professionnel de santé expérimenté dans la migraine dans chaque service de neurologie. Il est nécessaire d’allouer des fonds pour cette prise en charge dans chaque établissement.

Les cliniciens qui reconnaissent et attaquent la stigmatisation acquièrent un super pouvoir. Reconnaître le handicap de leurs patients et les énormes efforts qu’ils font pour s’en sortir ne peut qu’être bénéfique. Avec ce nouvel allié inattendu, les patients peuvent retrouver l’espoir.

Et en France :

  • Il n’y a pas de cotation spécifique à la migraine dans la nomenclature du Système National des Données de Santé, ce qui complique l’évaluation du coût de la migraine pour le système de santé. Cela nous pénalise dans nos démarches pour obtenir le remboursement de nombreux traitements.

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Mis en ligne le 20 novembre 2024