Migraine et emploi
Ne renoncez jamais volontairement à votre emploi, sous la précipitation !
Comment concilier migraine et vie professionnelle ?
De nombreuses études ont prouvé que la migraine est une maladie handicapante qui altère considérablement la vie des patients en raison de la fréquence, de la durée et de l’intensité des crises, ainsi que des symptômes qui l’accompagnent. L’Organisation Mondiale de la Santé la classe parmi les 3 premières maladies invalidantes et la première pour les 18 à 50 ans. Son retentissement sur l’économie est indéniable : absentéisme, frais de santé, perte de salaire. Malgré les difficultés, est-il possible de concilier migraine et vie professionnelle ? Nos conseils.
Quelle est la situation des migraineux au travail ?
Un environnement de travail inadapté truffé de facteurs déclenchants
Le cerveau migraineux est hypersensible aux changements de rythme de vie, aux variations alimentaires, hormonales, climatiques, sensorielles ou émotionnelles. Lorsqu’il est soumis à certains de ces facteurs favorisants, la crise jaillit. Il est donc essentiel — dans la mesure du possible — qu’il ne soit pas au contact de ces déclencheurs. Or, l’environnement de travail en regorge.
Quelques exemples de milieux professionnels problématiques et inadaptés :
- bureaux partagés et open spaces,
- commerces et centres commerciaux,
- emplois en horaires décalés ou de nuit,
- métiers qui nécessitent la manipulation d’outils ou de machines bruyantes,
- lieux avec des produits aux émanations tenaces,
- petite enfance et établissements scolaires,
- emplois d’intermittents du spectacle,
- tous les emplois en contact avec du public,
- etc.
Lumière excessive, odeurs et parfums trop forts, manque d’aération, chauffage abusif, bruit ambiant et musique incessante sont un enfer pour les migraineux !
Vous pouvez également lire nos traductions d’articles rédigés par des experts internationaux sur Les causes des céphalées sur le lieu de travail, Comment soutenir les employés atteints de migraine et Trouver un travail qui fonctionne malgré la migraine.
Un dilemme quand surgit la crise : rester au travail ou chez soi ?
La crise migraineuse impose une décision : lorsqu’elle se produit au travail, rester ou rentrer chez soi ; lorsqu’elle surgit au domicile, rester chez soi ou aller au travail. En d’autres termes, faire preuve de présentéisme ou d’absentéisme.
Le présentéisme consiste à rester à son poste malgré un problème de santé nécessitant de s’absenter. Le migraineux travaille alors en dépit d’une capacité de production fortement diminuée. Il ne peut accomplir correctement ses tâches professionnelles car son état ne le permet pas. Le risque est une surconsommation de médicaments pour pouvoir tenir le coup, ce qui peut empirer la situation et provoquer des céphalées chroniques.
Quelle que soit sa décision, le trajet pose un problème de taille. Perte de concentration et de réflexes, douleur intense, nausées, vomissements ou encore auras visuelles qui troublent la vue sont incompatibles avec la conduite ou les transports en commun.
Selon notre sondage, mené auprès de 863 patients souffrant de migraines, réalisé entre janvier et mars 2020, 51 % des malades ont manqué le travail au moins une fois au cours des 3 derniers mois. Pour pouvoir s’absenter, le migraineux est devant une alternative désavantageuse :
- prendre un arrêt maladie : encore faut-il pouvoir obtenir un rendez-vous le jour même, réussir à s’y rendre et patienter dans une salle d’attente lumineuse et bruyante. De plus, l’arrêt maladie, selon sa durée, signifie 3 jours de carence dans le privé, 1 jour dans le public, soit une perte de salaire considérable ;
- poser un jour de congé ou de RTT : c’est la solution la plus pratiquée. Or, c’est une journée gâchée où le migraineux va s’allonger au calme et dans la pénombre, sans rien pouvoir faire d’autre. Il réduit son capital vacances sans en profiter et il lui en restera beaucoup moins pour de vraies vacances.
L’incompréhension des collègues et des supérieurs
En plus de la souffrance physique, le migraineux subit le regard réprobateur et les préjugés de ses collaborateurs et de sa hiérarchie. Car la migraine reste une maladie méconnue, souvent prise pour un simple mal de tête. Les personnes qui ne savent pas ce qu’est réellement la migraine peuvent manquer d’empathie et de tolérance. Cela crée des tensions et mésententes qui altèrent l’ambiance de travail et les relations professionnelles et accentuent la détresse du patient.
La maladie est aussi un frein à l’évolution de carrière. Un poste à responsabilités implique un rythme et un stress soutenus, des réunions à mener et des imprévus à gérer, difficiles à assumer en tant que migraineux. Même si ce n’est pas impossible, beaucoup préfèrent renoncer plutôt que d’essayer.
Quelles sont les solutions pour concilier migraine et vie professionnelle ?
Informer son entourage professionnel
La communication évite les malentendus, permet la compréhension et la confiance. C’est pourquoi il faut en parler à son entourage professionnel : collègues, managers et ressources humaines. Idéalement, les entreprises devraient lancer des campagnes d’information pour que tout le monde sache en quoi consiste réellement la maladie : affiches contre les idées reçues, vidéos, newsletter, etc. Il est essentiel de sensibiliser l’ensemble du personnel à cette maladie invisible et sous-estimée, et de rappeler que les migraineux sont des personnes tout aussi compétentes que les autres.
Lorsque la migraine devient trop invalidante et qu’elle détériore votre vie professionnelle, adressez-vous au médecin du travail. Celui-ci va constater l’incompatibilité entre le poste et les difficultés rencontrées. Il va proposer une solution d’aménagement que l’employeur ne pourra pas refuser si vous êtes reconnu travailleur handicapé.
Faire une demande de Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH)
Qu’est-ce que la RQTH ?
Selon l’article L5213-1 du Code du travail : « Est considéré comme travailleur handicapé toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique ».
La RQTH est une décision administrative qui reconnaît le statut de travailleur handicapé. Elle permet au salarié d’accéder à des dispositions adaptées à son handicap en milieu professionnel en vue de son insertion ou de son maintien dans l’entreprise. Vous bénéficiez d’un accompagnement si vous recherchez un emploi, d’aménagements de poste ou d’un accès à des formations. Elle ne donne droit à aucune allocation. En revanche, l’employeur peut recevoir une aide financière pour les frais d’aménagements.
Comment obtenir la RQTH ?
La demande de Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé se fait auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) du lieu de votre résidence ou directement en ligne. Il vous faut alors :
- Remplir le formulaire Cerfa 15692*01 dans lequel vous décrivez soigneusement :
- les altérations de vos capacités physiques, sensorielles et psychiques subies,
- les difficultés dues à votre handicap dans votre vie quotidienne et professionnelle,
- vos attentes et vos besoins.
- Joindre le certificat médical Cerfa 15695*01 de moins de 6 mois, rempli par le médecin traitant, un spécialiste ou le médecin du travail qui va préciser l’impact du handicap :
- au niveau fonctionnel : déplacement, manipulation, communication,
- sur la vie relationnelle, sociale et familiale,
- sur l’aptitude au poste ou la recherche d’emploi.
- La Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) vous fait part de sa décision dans un délai de 4 à 8 mois.
Obtenir des aménagements pour adapter les conditions de travail aux migraineux
La loi du 11 février 2005, dite « Loi handicap », oblige l’employeur à mettre en œuvre les aménagements de conditions de travail nécessaires aux travailleurs handicapés. Cette obligation concerne toutes les entreprises, petites ou grandes, privées ou publiques.
Les améliorations peuvent être techniques (achat de matériel) ou organisationnelles (horaires, types de tâches) :
- installation d’équipements ergonomiques : siège avec accoudoirs pour réduire la tension dans la nuque, écran avec filtre antireflet et anti-lumière bleue pour protéger les yeux, casque antibruit,
- optimisation de l’espace de travail : maintien d’une température constante, déplacement du bureau dans un endroit plus calme, éclairage atténué, aération fréquente,
- irganisation du travail : pauses régulières pour pouvoir respirer et prendre une collation, horaires flexibles pour pouvoir s’organiser en fonction des crises et être plus productif, télétravail,
- prévoir une salle de repos pour pouvoir s’isoler le temps que les médicaments agissent,
- avoir une personne disponible pour vous ramener.
Pour concilier un tant soit peu migraine et emploi, la communication est primordiale. N’hésitez pas à contacter le médecin du travail pour faire valoir vos droits. Vous pouvez également faire appel au Défenseur des droits, ou commencez par consulter le Guide « Emploi des personnes en situation de handicap et aménagement raisonnable » :
Les démarches sont longues, n’attendez pas ! Si votre capacité de travail est vraiment diminuée, vous pourrez peut-être demander une pension d’invalidité. Pour en savoir plus, lisez Migraine, handicap et invalidité. Quoi qu’il en soit, ne renoncez jamais volontairement à votre emploi sous la précipitation. Renseignez-vous !
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Rédigé par Sandra Gonzalez.
Dernières mise à jour octobre 2023