Femme et migraineuse dans les années 60
Eh oui, les femmes n’ont pu travailler sans l’accord de leur mari qu’à partir du 13 juillet 1965. Eh oui, c’est aussi en 1965 que les femmes ont eu le droit d’ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de leur mari… On l’oublie ! En France, la première journée des droits de la femme a eu lieu en 1982. Autant dire qu’avoir une migraine n’était pas socialement acceptable et reconnu.
Voici le témoignage de l’une de nos abonnés.
Mes migraines sont apparues vers l’âge de 30 ans. Dans ma famille, toutes les femmes sont migraineuses de mère en fille… je ne comprenais pas ce « mal de tête » mystérieux dont parlaient mes tantes, ma mère et ma grand-mère… puis ma sœur aînée… Je me disais comme tous les autres (en particulier donc les hommes de la famille) « Quel cinéma pour un mal de tête ! »…
Puis vers la trentaine… moi aussi j’ai connu les affres de crises de migraines terribles… j’ai malheureusement connu l’enfer et j’ai compris la vie de supplices des femmes de cette famille… toutes torturées au chalumeau sous crâne tout en tenant leur foyer de mains de fer… Je mesure leurs calvaires et la volonté qu’il leur fallait pour supporter la marmaille car, en ce temps-là, la famille étendue se réunissait quotidiennement pour « régler les affaires familiales en famille » et, pendant ce temps, nombreux cousins et cousines, nous nous amusions bruyamment autour de ce groupe de femmes jacassantes, cherchant à trouver des solutions aux problèmes de la vie courante… Du temps que les hommes, apparemment indifférents aux troubles et aux soucis de la vie quotidienne, jouaient en râlant aux cartes ou aux boules et buvaient leurs coups en « discutant un peu fort »… Une femme de temps en temps s’échappait du groupe pour respirer, boire un verre d’eau ou s’enfermer aux toilettes pour ressortir pâle et titubante (je ne comprenais pas ces rituels)… Chaque femme reprenait le cours des choses l’air de rien, apparemment juste sonnée, pour qui voulait vraiment l’observer…
Elles alliaient traditions, responsabilités et vie de migraineuses… préparant des repas gargantuesques à l’époque (dans les années 60) pour des partages interminables de repas familiaux où chacun y allait de ses chansons, de ses blagues, de ses discours ou disputes… dans les bruits de vaisselle, les odeurs des plats mijotés bien gras et riches et les caprices des enfants… je me rappelle de toutes ces femmes héroïques, imperturbables, s’éclipsant de temps à autres pour « souffler » (aujourd’hui je comprends pour « souffrir » en silence)…
Je ne pourrais pas supporter les mêmes tortures imposées par une société trop machiste… mais, à bien y réfléchir, les temps ont changé. Si je ne vis pas ça en famille en tant que femme moderne, je vis cela sur le lieu de travail… la vie n’a plus le même visage mais l’impact de la migraine teinte de rouge chaque situation d’échanges et de vie sociale !
Mis en ligne le 5 juillet 2024