La photophobie

Les crises de migraine entraînent généralement une hypersensibilité aux stimuli sensoriels, ce qui signifie qu’au moins un des sens de l’ouïe, du toucher, de la vue, du goût et/ou de l’odorat devient plus sensible ! L’ouïe et la vue sont le plus souvent affectées par les crises de migraine. 

Dans cet article, nous traiterons plus spécifiquement la sensibilité à la lumière.

photophobie

Étymologiquement, photo (lumière) phobie (peur), le mot photophobie signifie donc “peur de la lumière”. Plus généralement, il est interchangeable avec photosensibilité.
En réalité, il désigne un sentiment d’inconfort plus ou moins prononcé en rapport avec la luminosité.

Tout le monde est sensible à la luminosité à des degrés variables. Il s’agit d’éblouissement.

C’est quand cette sensibilité devient gênante et douloureuse dans les situations de la vie courante, avec une luminosité habituelle, que l’on peut parler de photophobie.

SYMPTÔMES

Cela peut conduire la personne atteinte à éviter systématiquement la luminosité.  

La photophobie peut se produire aussi bien avec la lumière du soleil qu’avec la lumière artificielle. Les surfaces réfléchissantes comme les miroirs, le métal, les plans d’eau peuvent être particulièrement gênantes.

La photophobie est généralement le symptôme d’une maladie :

Les chercheurs ont découvert que même les aveugles peuvent être photophobes.

QUEL LIEN AVEC LA MIGRAINE ?

La photophobie est l’un des éléments qui permettent le diagnostic clinique de la migraine.

Celui-ci repose sur les caractéristiques suivantes :

Elle peut être accompagnée des symptômes suivants :

La lumière est généralement rapportée comme déclencheur par les patients. Il a fallu de nombreuses recherches pour commencer à comprendre son lien avec la migraine.

photophobie

On comprend de mieux en mieux les mécanismes de la migraine. Il reste cependant de nombreuses zones d’ombre. Dans un premier temps, les recherches se sont focalisées sur la phase douloureuse de la migraine pour en comprendre le fonctionnement. Les symptômes comme la photophobie, la phonophobie, ainsi que l’allodynie (perception d’une douleur pour un toucher très léger) étaient considérées comme accompagnant la migraine mais n’étant pas réellement impliqués dans son mécanisme.

cerveau nerf trijumeau
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D’autres chercheurs ont découvert dans la rétine des cellules composées d’une substance, appelée mélanopsine. Ces cellules sont sensibles à la lumière alors qu’elles ne perçoivent pas les contrastes ni les formes. Elles envoient des signaux photiques (en rapport avec la lumière) vers le thalamus. Le thalamus est une glande de substance grise. Il a de nombreux rôles dont celui de relayer et de moduler les informations sensorielles et motrices entre le système nerveux et le cerveau, y compris la douleur. Cela a permis de montrer qu’il existe une voie qui transporte ces signaux issus de la rétine vers les zones du cerveau qui gèrent la perception de la douleur. Cela pourrait expliquer que la lumière déclenche une migraine ou augmente l’intensité de la douleur ressentie. D’autre part, de nombreuses publications font référence à une activation du nerf trijumeau par les stimuli visuels.

On sait que le thalamus, l’hypothalamus et le système trigéminovasculaire ont un rôle très important dans le mécanisme de la migraine.

L’hypersensibilité à la lumière, la photophobie, serait donc partie prenante de la migraine et non uniquement un symptôme associé.

Deux autres particularités du cerveau migraineux interviennent dans cette sensibilité à la lumière. Le cerveau du migraineux est hyperexcitable et réagit anormalement à des stimuli anodins pour d’autres, ainsi qu’aux variations même infimes.
Par ailleurs, le cerveau du migraineux souffre d’un déficit d’habituation. C’est-à-dire qu’il réagit aux stimuli habituels comme s’ils étaient nouveaux.

Les migraineux présentent aussi d’autres troubles visuels, une sensibilité à la couleur bleue mais aussi au jaune, au rouge, au blanc. Quelques études montrent que la couleur verte pourrait être apaisante pour les migraineux.

Certains migraineux sont aussi très sensibles aux motifs.

Des études ont démontré qu’on retrouve une connectivité accrue du réseau visuel dans les migraines avec aura. Cela suggère que celles-ci pourraient être associées à une photophobie plus importante.

Certains auteurs suggèrent que la photophobie en tant que déclencheur serait plutôt un symptôme du prodrome, la phase annonciatrice de la migraine.

Tout n’est pas encore éclairci, mais il n’est plus possible de dire que la photophobie des migraineux est le reflet d’un trouble psychologique.

EST-CE RÉVERSIBLE ?

Toutes les manifestations de la migraine sont réputées réversibles. Néanmoins, la photophobie peut subsister entre les crises, avec moins d’intensité.

EST-CE GRAVE ?

La photophobie n’a pas d’impact majeur sur la santé. Par contre, elle a des conséquences sur la vie au quotidien. Les malades peuvent fuir de plus en plus les endroits « lumineux » au point de perdre toute vie sociale ou presque.

QUAND CONSULTER ?

Si la photophobie perturbe votre vie quotidienne et/ou si vous êtes inquiet.

QUELS PROFESSIONNELS CONSULTER ?

L’ophtalmologue peut éliminer les causes oculaires de photophobie. Il peut aussi constater une sécheresse oculaire. Il est important de parler de votre photophobie avec votre neurologue.

UN TRAITEMENT EST-IL NÉCESSAIRE ?

En présence d’une autre maladie, l’ophtalmologue prescrira les soins nécessaires.

Le plus souvent, la migraine est la seule en cause. En cas de sècheresse oculaire, il vous prescrit des gouttes ophtalmiques.

Il peut vous prescrire également un filtre anti-lumière bleue. Ce type de filtre est réputé soulager la migraine, et diminuer la photophobie : il s’agit du filtre FL41. C’est un traitement appliqué aux verres et proposé par de nombreux fabricants.

À l’heure actuelle, il n’y a pas de preuves scientifiques robustes de l’efficacité de ce filtre. Néanmoins, des malades partout dans le monde rapportent un soulagement dû au port de verres qui en sont dotés. Sur prescription, ce filtre peut parfois être remboursé.

Exceptionnellement, en cas de forte photophobie, l’ophtalmologue pourrait vous proposer des verres dits “basse vision”.

En tout état de cause, il vous conseillera de ne pas éviter systématiquement la lumière, au risque d’aggraver votre photophobie.

En s’appuyant sur l’hypothèse que la lumière verte soulagerait la migraine, de nombreuses expérimentations ont lieu dans le monde.

PUIS-JE FAIRE QUELQUE CHOSE POUR DIMINUER L’IMPACT DE CE SYMPTÔME SUR MA VIE QUOTIDIENNE ?

Dans son logement et au travail, il est possible d’installer un éclairage indirect qui sera plus confortable. Il existe aussi des variateurs de lumière qui peuvent vous permettre d’ajuster la luminosité à votre tolérance du moment.
Sans vivre enfermé derrière des volets, il est possible d’installer des stores qui atténuent la luminosité. La pénombre totale doit être réservée aux périodes de crises. Elle entraînerait une fatigue visuelle qui pourrait déclencher une crise.

Les verres équipés de filtres FL41 peuvent vous soulager. Ils ne soulagent pas tout le monde. Si vous n’avez pas de correction, il est possible d’en acheter en ligne. Néanmoins, soyez prudent, vérifiez le sérieux du site.
À l’extérieur, le port de lunettes de soleil niveau 3 maximum peut vraiment soulager. Prenez plutôt des lunettes polarisées qui diminuent l’éblouissement. Attention, la conduite est interdite avec des lunettes de niveau 44.

Et si cela, ne suffit pas, offrez-vous un chapeau ou une casquette.

Un article rédigé par Sabine Debremaeker, présidente de la Voix des Migraineux

Sources :  

Classification internationale des céphalées : https://ichd-3.org

Neurobiologie de la photophobie : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30762717

Bande étroite verte et migraine : https://clinicaltrials.gov/study/NCT04841083?cond=Migraine%20Headaches&term=Green%20light&rank=1#publications

Évaluation de l’exposition à la lumière verte sur la fréquence des maux de tête et la qualité de vie des patients migraineux : un essai clinique croisé unidirectionnel préliminaire. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32903062

Kathleen Digre, MD, sur la douleur oculaire et la photophobie associée à la migraine. https://www.neurologylive.com/view/kathleen-digre-md-on-eye-pain-and-photophobia-in-migraine

Compréhension actuelle de la structure et de la fonction thalamique dans la migraine (2020). https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0333102418791595?url_ver=Z39.88-2003&rfr_id=ori:rid:crossref.org&rfr_dat=cr_pub%20%200pubmed

Photophobie dans la migraine, un ensemble de symptômes. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8497413

Neurologie de la photophobie. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30762717

Photo-, osmo- et phonophobie dans la phase prémonitoire de la migraine : confondre symptômes et déclencheurs ? https://thejournalofheadacheandpain.biomedcentral.com/articles/10.1186/s10194-015-0495-7

Mis en ligne le 30 juillet 2024.