Migraine et psychologie
Un témoignage de Marion, bénévole à la Voix des Migraineux
Pourquoi, mais pourquoi nous renvoie-t-on si souvent à la sphère psychologique voire psychiatrique quand on est migraineux.se ?!
C’est ce qui est arrivé récemment à un jeune migraineux, qui s’est vu adressé à un psychiatre et à qui son traitement adapté aux migraines a été substitué par un autre qui ne l’était pas. Heureusement pour lui, il a rencontré un neurologue qui a remis les choses en perspective, notamment auprès de ses parents, et lui a proposé à nouveau un traitement médicamenteux adapté et un accompagnement pour l’aider à gérer la maladie.
Mais qu’en est-il pour ceux qui n’ont pas la « chance » d’être correctement pris en charge ?
La migraine n’est pas une maladie mentale, psychosomatique ou psychiatrique. C’est une maladie primaire qui doit être considérée comme telle.
Certes, la migraine peut être associée à des comorbidités anxieuses ou dépressives. Mais ce n’est pas le cas pour tous.tes les migraineux.ses.
Certes, les migraineux.ses peuvent montrer des symptômes évocateurs d’un mal-être psychique : douleur morale, sentiment de honte, de culpabilité ou d’inutilité, auto-dévalorisation, tristesse, colère, abattement, repli sur soi, pensées anxiogènes… Mais est-ce si étonnant ?
Toute maladie chronique, récurrente, douloureuse, limitante, a un impact sur la santé mentale. Avec une telle maladie, la vie change. Les attentes aussi. Les sphères sociale, professionnelle, étudiante, familiale sont durement touchées. Vous savez bien de quoi je parle.
Selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), la santé est « un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Quant à la santé mentale, il s’agit d’un « état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté ».
Quand on est touché comme peut l’être un.e migraineux.se, peut-on ignorer son absence de « bien-être physique, mental et social » et peut-on réellement dissocier les deux définitions ?
« Vous êtes migraineux.se parce que vous êtes stressé.e, anxieux.se, blablabla… ». Bien sûr que le stress peut être un déclencheur (et NON une CAUSE) de migraine, bien sûr que le stress peut exacerber la douleur, bien sûr que la douleur récurrente est facteur de stress, bien sûr que des troubles de l’humeur peuvent coexister avec les migraines.
Mais cette réaction au stress de notre organisme dysfonctionnel est-elle différente de celle du diabétique qui, exposé à cette agression, voit sa glycémie se modifier, de l’épileptique qui subit alors une hyperexcitation neuronale et déclenche une crise, ou encore de la personne atteinte de sclérose en plaque pour qui le stress affaiblit sa réponse immunitaire et peut accélérer une poussée de la maladie ?
Pourquoi ces maladies sont-elles considérées « à leur juste mesure » et pas la migraine ? Parce que la migraine est invisible, que la douleur qu’elle provoque est subjective, parfois difficilement soulageable, réfractaire aux traitements, mal perçue, stigmatisée, peu étudiée, peu reconnue…
Comment s’étonner que les patients s’essoufflent, se remettent en question parce qu’on doute d’eux, qu’ils se sentent seuls à gérer la douleur récurrente, la perte de leurs capacités d’agir, de penser, qu’ils voient leurs perspectives d’avenir amoindries, qu’ils cogitent, culpabilisent, s’isolent, souffrent dans leur chair et leur âme ?… Ils peuvent finir par se sentir dépassés, souffrir d’anxiété, voire être touchés par des troubles dépressifs.
Ah bah voilà, c’est presque écrit d’avance ! Quand ils consultent, effrayés par cette maladie difficilement gérable, fatigués physiquement et moralement, ils semblent correspondre en effet aux tableaux cliniques des troubles de l’humeur et certains professionnels en concluent, par manque de connaissances sur la maladie, pourtant motif premier de consultations parfois répétitives, et peut-être par impuissance ou par facilité, que la migraine, « c’est dans la tête » ! Cercle vicieux.
Alors, nous, patients, face à ce type de réaction, avons un rôle important à jouer. Nous sommes fatigués, nous sommes douloureux, nous sommes parfois isolés, mais nous avons cette bataille à mener.
La migraine est une maladie neurologique avec un impact gigantesque sur la vie. Ce qu’on attend du professionnel qui nous soigne c’est de l’humanité, de l’écoute, de l’empathie, de la disponibilité, une réelle connaissance de la maladie et des avancées de la recherche, une prise en charge globale et personnalisée, la mise en place d’un vrai dialogue, en partenariat, qui nous fait avancer, lui et nous. C’est peut-être beaucoup demander, mais c’est indispensable et ça existe. Et c’est une bonne partie de notre traitement.
Nous avons des droits. Nous avons des attentes. Nous avons des connaissances. Mettons-les en avant. Préparons nos consultations. Si le traitement ne nous convient pas, parlons-en, quitte à le refuser pour en essayer un autre. Et si le praticien n’est pas à l’écoute, changeons-en.
La migraine n’est pas une maladie mentale. En revanche, l’accompagnement du versant psychologique est essentiel. Selon qui on est, selon nos besoins, il s’axera, par différentes méthodes, sur notre expérience de la douleur, sur la non culpabilisation, sur l’acceptation de la maladie et des changements qu’elle nous impose, sur l’estime de soi, sur la gestion de nos émotions et de nos propres croyances parfois délétères…
Et si des symptômes plus graves de dépression apparaissent, il est capital de se faire accompagner plus avant. Dans un monde idéal, cela ne devrait pas en arriver là. Plus la prise en charge de la migraine se fait tôt et de manière pluridisciplinaire, moins les troubles de l’humeur sont susceptibles d’apparaître et/ou de s’aggraver.
En espérant vous avoir apporté quelques éléments de réflexion et de discussion prochaine avec les professionnels, qui, dans bien des cas malgré tout (spéciale dédicace à mon neurologue), essaient réellement de nous soulager.
Mise à jour le 28 octobre 2022
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