Les causes et symptômes de la migraine
Interview du docteur Catherine STARK
Migraine World Summit 2021
La migraine est un ensemble de symptômes en réponse à des anomalies neurochimiques à l’intérieur du cerveau affectant la partie du cerveau qui traite la douleur. On ne comprend pas exactement ce qui déclenche ces anomalies dans le cerveau, mais une fois que le processus est entamé, il y a une multitude d’effets qui en découlent sur l’ensemble du cerveau – soit les symptômes que ressentent les migraineux. On sait beaucoup de choses sur l’évolution de la migraine une fois que celle-ci est déclenchée, mais on ne sait encore que très peu sur ce qui va déclencher l’attaque. Puisque la migraine est un phénomène si irrégulier, il est difficile de l’étudier en laboratoire. De plus, le cerveau et son environnement neurochimique sont difficilement accessibles.
Parmi les anomalies dans l’activité cérébrale qui apparaissent pendant et entre les crises de migraine, on sait qu’il y a certaines variations de taux neurochimiques. Par exemple, les taux de peptide relié au gène calcitonine (CGRP) vont être plus élevés. Les vaisseaux sanguins vont se dilater et se contracter. On sait aussi que dans la phase « pro-drome », l’hypothalamus est souvent en activité. Dans la phase douloureuse plusieurs parties du cerveau seront stimulées tandis que dans la phase « post-drome » on aura plus d’activité dans le tronc cérébral.
Alors, on se pose deux questions : « Pourquoi la personne a-t-elle cette prédisposition à la migraine ? » et « Pourquoi le migraineux a-t-il une migraine à un moment T ? ». Le facteur génétique est très important. Par exemple, la migraine hémiplégique est totalement héréditaire : on a le gène ou pas. En revanche, pour la plupart des migraineux, avec ou sans aura, c’est beaucoup plus complexe. On compte environ 40 gènes différents qui détermineront la prédisposition à la migraine. Donc le facteur génétique peut quand même être déterminant chez un patient qui n’a pas de migraineux dans sa famille. D’autre part, il y a les facteurs environnementaux. Ceux-là peuvent varier grandement, du stress mental au stress physique (accidents, blessures à la tête). D’autres déclencheurs environnementaux sont l’altitude, les changements climatiques, surtout les changements de pression ou d’humidité. Les déplacements en avion, les odeurs telles que les parfums et déodorants, ainsi que la fumée de cigarette et la pollution. Enfin, les lumières très fortes, même celle du soleil.
On sait que la migraine a tendance à coexister avec d’autres pathologies. En effet, on associe souvent à la migraine d’autres maladies neurologiques, comme l’épilepsie, le syndrome de Tourette, des troubles psychologiques comme la dépression et l’angoisse. Parfois aussi des pathologies cardiaques (foramen ovale) ou rhumatologiques (phénomène de Raynaud), ainsi que des troubles du sommeil. On n’a toutefois pas trouvé de lien de causalité entre la migraine et ces autres maladies. Il y aurait plutôt une prédisposition génétique à avoir les deux.
Donc on sait que la douleur que développe une personne avec une prédisposition à la migraine à la tête ou au cou (par exemple à cause d’une sinusite bactérienne, une rage de dent ou un torticolis etc), ira directement alimenter les mêmes zones de douleur impliquées durant la migraine. Cela peut alors déclencher toutes ces séries d’évènements neurochimiques qui se produisent pendant la migraine. Donc ces douleurs sans rapport apparent peuvent déclencher des migraines, en particulier chez des personnes avec des problèmes ORL. Pour ce qui concerne le système trigéminal, ce seront plutôt des douleurs du visage à le déclencher.
Dans certains cas les médicaments peuvent aussi être des déclencheurs de migraine. Surtout lorsqu’il y a une surutilisation de médicaments ce qui arrive très fréquemment chez les migraineux. En effet, il se crée une sorte de cercle vicieux où la surutilisation va en augmenter la fréquence. D’autre part, on parle de seuil de migraine soit la facilité que la migraine à de se déclencher chez un patient. Probablement n’importe qui aurait une migraine si nous l’exposions à une certaine somme de stress, par exemple, en passant trois jours sur un avion, en buvant 15 litres de vin rouge sans dormir. Une personne migraineuse aura un seuil plus bas, par exemple une certaine odeur pourra suffire pour en déclencher une. Bien que l’on naisse avec un certain seuil de migraine, il est tout à fait possible que celui-ci évolue dans le temps. Il peut augmenter – donc augmenter la tolérance aux déclencheurs, par exemple avec une meilleure qualité de vie (boire beaucoup d’eau, manger régulièrement, dormir assez, prendre des médicaments si nécessaire) et peut tout autant diminuer si par exemple, vous ne dormez pas assez, voyagez régulièrement en avion, etc. Ainsi, la migraine peut aussi engendrer la migraine. Soit, si vous avez beaucoup de migraines le seuil sera plus bas, de la même façon que si vous avez une période avec moins de migraines, votre seuil augmentera.
La migraine se divise en quatre phases. Elles ne se produisent pas forcément chez tous les patients. La première est le pro-drome : elle peut durer quelques heures à quelques jours avant que la migraine apparaisse. Elle peut comporter des sautes d’humeur tels que de la dépression, de l’irritabilité, des bâillements fréquents, un besoin d’uriner fréquent, la sensibilité à la lumière et aux bruits, une difficulté à se concentrer, la nausée, etc. Certaines personnes arrivent à l’identifier en amont.
La phase suivante est l’aura, elle ne se présente pas chez tous les migraineux. L’aura plus classique est visuelle et peut être positive avec l’apparition d’éléments additionnels, des points, des étincelles, des figures géométriques, et ce, en noir et blanc ou argenté, et évoluant dans le temps. Elle peut être négative, avec la perte de la vue partielle ou totale. Il y a aussi l’aura sensorielle, fourmillements, picotements dans une ou plusieurs parties du corps. L’aura peut durer entre 5 et 60 minutes.
Ensuite, il y a la phase de la douleur à la tête. C’est souvent la plus problématique chez les patients. La douleur sera généralement unilatérale, mais pas forcément. La douleur est le plus souvent battante, pulsatile, mais peut aussi être pointue et accompagnée d’une sensation de forage. La douleur est souvent suivie de nausées et vomissements ; de sensibilité à la lumière, aux sons et aux odeurs ; d’insomnie ou au contraire d’un plus grand besoin de dormir ; de douleurs ou raideur au cou. Cette phase peut durer entre 4 et 72 heures.
Enfin la dernière phase est celle du post-drome. Elle est caractérisée par des problèmes cognitifs : mauvaise humeur, difficulté à se concentrer, fatigue, épuisement, sensation de gueule de bois.
La céphalée de tension (les maux de tête) est très différente de la migraine. Surtout en terme d’intensité. Une céphalée ne sera pas invalidante et il n’y aura pas les phénomènes des quatre phases.
Ces phases ne suivent pas un modèle de façon précise, et les symptômes de chaque phase peuvent s’entremêler et se chevaucher. Par exemple on peut avoir de la nausée tout au long de la migraine. Puisque chaque cerveau est si unique, chaque migraineux aura son propre ensemble de symptômes et expériences avec la migraine. Non seulement les symptômes diffèrent entre les individus mais ils diffèrent aussi d’une migraine à l’autre chez le patient. Le cerveau est un système complexe à variables multiples, son état varie tous les jours. Alors, un déclencheur n’aura pas forcément le même effet tous les jours.
Pour ce qui concerne la sensibilité sensorielle, les patients ne sont pas uniquement sensibles à la lumière et aux sons pendant la migraine. En fait, celle-ci augmenterait plutôt pendant la crise. Lorsqu’on se demande pourquoi alors ce terrible gène de la migraine a continué de se transmettre dans le temps, une théorie imagine que cette sensibilité sensorielle était en fait considéré comme un avantage, non pas pour l’individu, mais pour le groupe.
Il y a beaucoup d’interactions entre l’humeur et la migraine. Tout au long des différentes phases, l’humeur sera plutôt dépressive et irritable. Il y a un impact direct sur l’humeur à cause de toutes les limitations que la migraine comporte (devoir s’absenter du travail ou d’évènements sociaux, d’activités qui font plaisir, etc). Et en même temps, on sait qu’il y a de base un lien entre la dépression et la migraine. Peut-être qu’elles sont héritées ensemble ou qu’elles ont un lien de causalité en commun… De plus, certains traitements pour la dépression et l’angoisse peuvent avoir un impact sur la migraine.
Un facteur très important dans la migraine est le sommeil. Les changements dans les habitudes de sommeil peuvent être d’importants déclencheurs de migraine. Que ce soit en dormant plus (par exemple, la migraine qui suit une grasse matinée du dimanche matin) ou moins. Pendant une migraine, la fatigue et l’insomnie sont des symptômes très communs. Le plus fréquent des troubles du sommeil associés à la migraine est l’insomnie.
Enfin, face à toutes ces causes, le patient peut essayer de gérer les déclencheurs, notamment d’un point de vue du mode de vie, afin de réduire au mieux les risques de déclencher des attaques.
Source : https://migraineworldsummit.com/talk/what-causes-migraine-and-its-symptoms/
Résumé de Valentina, bénévole à La Voix des Migraineux
Mise à jour le 20 septembre 2022
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