Lien entre traumatisme non résolu et migraine
Résumé de l’interview du Docteur Gretchen Tietjen
– Migraine World Summit 2020 –
On sait qu’environ 50 % des facteurs à l’origine de la migraine sont génétiques, et 50 % sont dits liés à l’environnement. En effet, certaines personnes peuvent être sujettes à la migraine sans avoir de prédisposition génétique, mais plutôt en raison de leur environnement. Le (ou les) facteurs déclenchants dans l’environnement peuvent se présenter sous plusieurs formes, tels qu’un stress précoce dans la vie dû à des abus ou une maltraitance, mais aussi le stress, la dépression et l’anxiété en général. Parmi ces difficultés et traumatismes de l’enfance, on cite les abus sexuels, les violences physiques et psychologiques, la négligence, etc.
À noter que la violence psychologique est une forme de maltraitance plus insidieuse que la violence physique et sexuelle. En effet, elle ne reçoit que peu d’attention de la part des scientifiques et du public, et n’a été reconnue que récemment comme une forme distincte de maltraitance.
Toutes ces maltraitances sont souvent désignées sous le nom d’expériences négatives dans l’enfance, ou ACE (Adverse Childhood Events, en abrégé et en anglais).
Le docteur et professeur Gretchen TIETJEN nous aide à comprendre comment ces expériences négatives de l’enfance peuvent contribuer à la migraine, et à explorer les voies de soulagement qui existent pour les patients. Le docteur TIETJEN est neurologue et spécialiste des céphalées. Elle a mené des études concluant à un lien entre les difficultés et traumatismes de l’enfance et les migraines, thème sur lequel nous nous pencherons dans cet article. Pour la présenter brièvement, elle est professeure et présidente de neurologie à l’Université de Toledo. Enfin, elle dirige le Programme de traitement des maux de tête et de recherche et le Programme sur les AVC au Centre médical de l’Université de Toledo.
Afin de jauger la prévalence des expériences négatives dans l’enfance, des études ont été menées (ACE study, voir sources) via différents questionnaires, dont le plus récent indiquait que 12 % de la population est concerné par des maltraitances dans l’enfance, le plus souvent sous la forme de négligences. À noter que dans cette catégorie sont également inclus les enfants dont la famille a vécu un divorce, une séparation ou un deuil. Cependant, lorsque l’on pose la question directement à des adultes, il en ressort qu’entre 20 à 45 % d’entre eux indiquent avoir vécu une telle expérience dans l’enfance et que l’impact en est toujours présent à ce jour dans leurs vie.
Le docteur TIETJEN a collaboré à cette étude sur les ACE et s’est rendu compte que celle-ci ne comportait qu’une question sur les maux de tête fréquents. Elle a quand même pu en tirer des conclusions intéressantes. En effet, elle a remarqué que tous les types de maltraitances et de négligences étaient plus fréquents dans le groupe avec maux de tête fréquents que dans le groupe sans maux de tête. Elle a également constaté que le type de maltraitance le plus étroitement associé aux maux de tête était la maltraitance émotionnelle ou psychologique. Un enfant maltraité est plus à risque de développer à l’âge adulte des maladies mentales et / ou des maladies physiques. Cependant, c’est bien la maltraitance psychologique qui est la plus associée à la maladie migraineuse. Certaines études restent à faire pour s’assurer de ces résultats.
Effets du stress
Le stress ressenti par un enfant maltraité est un stress toxique. C’est pourquoi toutes formes d’abus et de négligences sont des facteurs majeurs de risques de développer dépression et anxiété sous leurs formes les plus sévères. De plus, on sait maintenant que les traumatismes dans l’enfance sont liés à un plus grand risque d’AVC ou de maladie d’Alzheimer au long de la vie. Du côté de la migraine, c’est également la forme chronique de la maladie qui risque le plus d’être développée. Les personnes ayant connu des expériences défavorables dans l’enfance peuvent garder des séquelles visibles à l’imagerie médicale, dues aux effets du stress ressenti pendant l’enfance : atrophie de certaines zones du cerveau comme l’hippocampe, le centre des émotions, le centre de la douleur ; modification du système inflammatoire et du système immunitaire. Lors de l’étude ACE, il ressort que les personnes migraineuses qui souffraient également de dépression et qui disaient avoir été maltraitées dans leur enfance avaient des migraines beaucoup plus graves, ayant démarré à un âge plus précoce, et menant plus souvent à des hospitalisations. Par rapport à leur dépression, ces personnes étaient plus susceptibles d’avoir une dépression plus sévère, réfractaire aux médicaments et d’être hospitalisées, par rapport au groupe qui disait ne pas avoir été maltraité.
Que peut-on faire ?
Généralement, les spécialistes des céphalées utilisent un questionnaire relatif à l’anxiété et à la dépression ou bien posent des questions directement au patient, afin d’avoir une idée de l’environnement domestique actuel de celui-ci. En effet, c’est la situation actuelle qui va être prise en compte. Le docteur TIETJEN indique que, bien souvent, si une personne a subi des maltraitances dans son enfance, sa probabilité de revivre une telle situation à l’âge adulte est beaucoup plus élevée. C’est pour cela qu’il n’est pas nécessaire de demander systématiquement au patient comment s’est passée son enfance. Cela peut être intéressant, mais uniquement si le patient est prêt à travailler avec un spécialiste sur son traumatisme. Il existe en effet des thérapies cognitives et comportementales (TCC) axées sur les traumatismes qui peuvent être particulièrement bénéfiques.
Les traitements (non médicamenteux) recommandés par le docteur TIETJEN sont :
- la relaxation,
- la méditation (pleine conscience),
- le yoga,
- la gestion du stress.
Les conseils du docteur TIETJEN : « Essayez de contrôler votre stress, ce sera bénéfique pour votre santé. Et n’hésitez pas à parler à un professionnel de vos traumatismes. »
Sources :
https://migraineworldsummit.com/talk/link-between-unresolved-trauma-and-migraine/
National Center for Injury Prevention and Control, Division of Violence Prevention CDC-Kaiser Permanente adverse childhood experiences (ACE) study
Un article traduit par Sabine DEBREMAEKER, Présidente de la Voix des Migraineux et Morgane RIVERA-VARGAS, bénévole.
Mis en ligne le 20 avril 2023